Remettre à plus tard : un piège !

Tiré du site de Club Positif de Christian Godefroy (modifié par Agnès Robert).

Mon père remettait à plus tard ce  qui l'embêtait.

Un jour, il s'est séparé de son associé et ce dernier l'a menacé d'un procès. Mon père s'est dit qu'il allait s'occuper de cela plus tard.

Un jour, le papier bleu du tribunal est arrivé. Procès. Mon père s'est dit qu'il devait trouver un avocat. Mais comme il n'aimait pas penser à tout cela, il a remis à plus tard.

S'il avait su la tragédie qui l'attendait...

Au dernier moment il a pris un avocat que lui a conseillé une amie. L'avocat était brillant, sympathique, il l'a rassuré... il allait gagner son procès à coup sûr!

Ce que ne lui avait PAS dit l'avocat, c'est que sa spécialité était le divorce. Or le procès était sur un brevet déposé par mon père dont son associé disait qu'il lui appartenait.

Et l'avocat ne connaissait RIEN aux brevets.

Le procès fut perdu. Les indemnités pouvaient ruiner totalement mon père.

Cette pensée terrassa mon père. Il s'efforça de ne pas y penser pour ne pas déprimer complètement.

Un jour, cependant, il reçut des papiers légaux et se renseigna auprès d'un autre avocat. Un avocat d'affaire cette fois-ci.

Ce dernier lui dit qu'il n'aurait jamais dû perdre son procès. Qu'il était facile de le gagner. Mais il lui annonça aussi la plus terrible des nouvelles :

Il avait laissé passer le délai pour faire appel !!!

A force de remettre au lendemain, il n'avait plus aucun recours.

Cela mis des années, mais mon père fut acculé à la faillite.

Il perdit TOUT : l'appartement dans lequel nous vivions, la maison de campagne, l'usine, le bateau, les voitures...

Un jour, en allant à la banque il apprit que son compte était bloqué par la banque de France.

Il n'avait plus un centime sur lui. J'étais avec lui. Je l'ai vu passer de banques en banques, avec le fol espoir de trouver un petit solde sur un de ses comptes, qui ne soit pas bloqué.

Rien. Il n'avait plus rien. J'ai vu son visage se décomposer complètement. Ses yeux briller de larmes refoulées.

Le couple de mes parent n'y a pas résisté.

J'ai connu les huissiers, la vente aux enchères de ma hambre d'enfant, la séparation, les humiliations, la honte.

Mais le pire, vous n'allez pas en croire vos oreilles, c'est que toute mon enfance, toute mon adolescence et une partie de ma vie d'adulte...

... J'AI moi-même SANS CESSE REMIS AU LENDEMAIN !!!

Dès mon plus jeune âge, je ne faisais pas mes devoirs de vacances, j'apprenais mes leçons juste avant de rentrer en classe et je rédigeais mes rédactions quelques minutes avant de partir au lycée.

Plus tard, lorsque je voyais une jolie fille, j'hésitais à lui adresser la parole et je remettais à un " plus tard..." qui n'arrivait jamais.

Devenu responsable commercial, j'hésitais à téléphoner à mes clients, je me donnais de bonnes raisons pour aller les voir plus tard, et je n'osais pas sortir mon bon de ommande et conclure la vente à temps.

Je ne vous parle pas de ma gymnastique matinale, souvent restée à l'état de projet, de mes ambitions de peintre, de son désir d'apprendre le golf, de jouer d'un instrument, de collectionner les histoires drôles, d'apprendre l'allemand, de suivre un régime amaigrissant...

Plusieurs pages ne suffiraient pas pour faire la liste de projets que, non seulement j'ai remis à plus tard, mais que je n'ai finalement JAMAIS MENÉS A TERME !

A force de remettre à plus tard les choses importantes de votre vie, un jour vous pouvez arriver à la vieillesse... puis à la mort.